La Vogue d'hier racontée par un ancien
LA VOGUE D'HIER
(extraits des souvenirs d'un ancien de Cernex)
Je voudrais vous parler de la vogue, la fête patronale des autrefois qui existe toujours le 11 novembre, jour de la Saint Martin.
Plusieurs jours à l'avance, les forains, peu nombreux mais toujours les mêmes, venaient dresser leurs stands. Il y avait maître Robert de Malagny avec son carrousel qui, faute d'énergie électrique, fonctionnait d'une façon très rudimentaire. En actionnant deux grosses manivelles, le mât pivotait et entraînait une grande roue dentée, une certaine vitesse était obtenue. Le manège tournait environ cinq minutes à la grande joie des enfants. Il faut noter que Robert était très sympathique et trouvait toujours de la main-d'Å“uvre bénévole, surtout chez les enfants, pour actionner à la manivelle un piano que l'on appelait "Limonaire" que l'on rencontre aujourd'hui chez Dufaugt, forain à la foire d'Annecy. Chez eux c'est une tradition. Nous avions aussi notre fidèle "Pierre des pipes" qui restait deux semaines installé car très populaire. Il fallait tirer des pipes en plâtre avec une carabine. On gagnait une poupée, une peluche, des fleurs artificielles. Les poupées étaient de différentes tailles selon la mise.Â
"Margotton" avait son tir aux cannes. Un grand choix de cannes de toutes grandeurs et de toutes couleurs étaient suspendues au dessus de "la table aux quilles" sur laquelle était posées quatre quilles que l'on devait renverser avec deux plaques rondes en fer de huit centimètres de diamètre. La canne était alors gagnée.Â
La femme de Margotton tenait le stand de vaisselle. De la belle porcelaine était posée sur trois disques qui tournaient à l'horizontale. On lançait un disque selon son choix et le prix choisi. Quand le disque s'arrêtait, le cliquet indiquait la vaisselle que l'on avait gagnée.
Il ne faut pas oublier la grande activité de nos mères et tantes qui fabriquaient des montagnes de rissoles aux poires Blesson et les grandes tartes aux pommes, aux prunes et aux pruneaux secs de la circonférence à peu près d'une roue de vélo car il ne faut pas oublier qu'à cette date on invitait tous les proches parents.Â
Les tartes se cuisaient toutes le même jour chez le boulanger, jour qu'il fixait lui même. Toutes ces tartes étaient étalées sur des planches et chacune à son tour était cuite au four, ce qui donnait une grande animation à la boulangerie où la bonne humeur régnait. On les mangeait toutes chaudes à la sortie du four où une femme faisait goûter sa fabrication.
Après avoir assisté à la messe de la Saint Martin où tous les parents se réunissaient, les hommes payaient quelques tournées d'apéritif avant d'attaquer les bonnes tables.Â
Je me souviens de ces journées chez ma mémé "Tiennette", elle présidait la table et cela se passait dans une sincère amitié familiale. Dans la soirée les jeunes voulaient gambader et les jeunes filles à cette occasion n'avaient pas besoin de permission, une certaine tolérance leur était accordée. Il n'y avait pas de salle de bal, c'était dans la grande remise à Dusonchet, bien bétonnée, bien balayée et toute décorée de guirlandes et de papier multicolore. Il y avait un orchestre rudimentaire avec deux accordéons et surtout une grande caisse pour donner plus de sonorité. Le bal se terminait très tard, souvent au petit jour où les flonflons de la vogue s'éteignaient jusqu'à l'année suivante.
A L' AN QUE VIN!
Honoré PHILIPPE  1992
( Bulletin N°14 - 1998 )